Au Niger, sur la piste de l'uranium
Extrait tiré de l’éditoriale d'Éric Meyer, Rédacteur en chef de GEO.fr paru dans le Magazine
GEO spécial Vietnam (n°431, janvier 2015).
Editorial
Il
faudrait songer à eux à chaque fois qu’on allume la lumière ou qu’on recharge
son téléphone portable. Aux habitants de ces villages du Niger, qui voient du
minerai d’uranium exploser sous leurs yeux, les poussières toxiques infiltrer
leurs sols et contaminer leurs nappes phréatiques. La fée nucléaire française,
à qui nous devons 76 % de notre électricité, porte aussi en elle ses maléfices.
Pas forcément ceux cachés derrière les grilles de nos centrales, mais ceux
situés loin de nos radars médiatiques, dans le désert du Niger.
Nos reporters
se sont rendus à Arlit et à Imouraren, pour examiner les conditions dans
lesquelles l’uranium est extrait, transformé et transporté. Les témoignages
qu’ils ont recueillis et les scènes auxquelles ils ont assisté font froid dans
le dos. Les hommes et les chèvres boivent une eau désormais radioactive. Des
camions chargés de fûts de concentré d’uranium déboulent sur une piste mitée
par les nids-de-poule et, à Dosso, leurs chauffeurs les laissent sans
surveillance, pendant qu’ils vont faire leurs emplettes…
Ce
voyage aux sources de notre énergie nucléaire pourrait venir nourrir un
chapitre du débat sur le bien-fondé du recours à l’atome. Mais avant de
s’engager dans cette voie et de disserter sur la pertinence de telle ou telle
source de substitution, il faut rappeler un constat : nous sommes toujours plus
gourmands en énergie. Sur la planète, la demande va continuer d’augmenter : 37
% de plus sur la période 2012-2040, 80 % de plus pour l’électricité, selon les
dernières estimations de l’Agence internationale de l’énergie. En France, la
consommation a crû de façon continue entre 1979 et 2005 (de 54 % au total).
Elle est certes à la baisse depuis 2006 et le gouvernement, dans le cadre de la
« transition énergétique », affiche l’objectif de la réduire de 50 % d’ici à
2050 ! Soit. Mais la question dont on parle moins est de savoir quelles seront
les conséquences d’une telle baisse sur nos modes de vie.
Quelle société se
dessine derrière cette « décroissance» ? Est-ce une société désirée ou
contrainte (par les fermetures d’entreprises et la montée du chômage, qui,
hélas, font aussi économiser de l’énergie…) ? Depuis bien longtemps,
l’augmentation de la consommation d’énergie est allée de pair avec celle de la
richesse des nations, et celle du pouvoir d’achat. Pouvons-nous espérer la
baisse de la première sans subir la baisse des deux autres ? C’est aussi à
cette question-là qu’il faut songer quand on regarde, inquiet, les poussières
d’uranium se poser sur les sables du Niger.
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