Électroculture : comment les Chinois veulent doper leur agriculture sans pesticides
La
Chine mène des expérimentations à grande échelle d'électroculture visant à
doper la croissance des plantes tout en réduisant drastiquement les apports en
pesticides et en engrais. Un vieux rêve datant de trois siècles semble ainsi
sur le point de devenir réalité.
Une agriculture plus
productive, sans
engrais et sans pesticides est-elle
à portée de main ? Fin 2018, l'Académie des sciences et de l'agriculture
chinoise a révélé les résultats de trois décennies de tests de cultures
sous haute
tension. Plus de 3.600 hectares de serres réparties
à travers le pays ont été équipées de pointes de cuivre placées
à environ trois mètres au-dessus du sol dans lesquelles circule une charge
positive pouvant aller jusqu'à 50.000 volts,
près de 230 fois celle de la tension résidentielle en France. De l'autre côté,
le générateur d'électricité
est relié au sol où se diffusent les charges négatives. D'après les scientifiques
chinois, cette technique permet d'augmenter les rendements de 20 % à 30 %, tout
en réduisant les pesticides de 70 % à 100 % et les engrais de 20 %. Le tout
nécessite environ 15 kWh par jour, soit environ la consommation électrique
moyenne d'un foyer français.
Éliminer les maladies et accélérer le métabolisme des plantes
L'électricité
à haute fréquence tue
les bactéries et
les virus dans
l'air ou
le sol, expliquent les chercheurs. Elle supprime également la tension
superficielle de l'eau sur les feuilles, accélérant ainsi la vaporisation.
Lorsqu'elle passe à travers les plantes, l'électricité favorise
le transport des particules naturellement chargées, comme les ions bicarbonate et calcium,
et accélère les activités métaboliques, comme l'absorption du dioxyde
de carbone et la photosynthèse.
Un champ
électrique haute tension amènerait aussi les plantes à absorber plus
d'azote et
permettrait d'obtenir des plantules plus robustes avec un meilleur rendement,
suggère de son côté une étude
canadienne portant sur des serres de tomates cultivées
de façon hydroponique. « Le courant
électrique traversant les fils n'est que de quelques millionièmes d'ampère,
soit moins que la charge d'un câble de smartphone.
C'est donc sans aucun danger pour la plante », assure Liu Binjiang, un
agronome responsable du projet dans le South
China Morning Post.
L’électricité haute tension permet d’augmenter les rendements de 20 % à 30 % et d’éliminer les maladies selon les expérimentations chinoises (photo d’illustration). © Ashlyn Gehrett, Flickr |
L’électroculture, une pratique connue depuis le XVIIIe siècle et tombée dans l’oubli
Depuis
le XVIIIe siècle, de nombreux scientifiques et entrepreneurs
ont exploré l'idée d'utiliser l'électricité pour doper la croissance des
plantes. Une idée née du phénomène bien connu de la croissance plus forte des
végétaux après un orage.
En 1746, le Dr Maimbray fait sensation devant la Royal Society de
Londres en présentant les résultats d'une électrification de myrtes, ces
plantes voyant de nouvelles branches pousser au mois d'octobre, ce qui n'était
jamais arrivé auparavant.
Plusieurs
expériences seront menées par la suite en France, en Suisse et en Allemagne. En
1783, l'abbé Pierre Bertholon invente ainsi un « électrovégétomètre » visant à
recueillir l’électricité
atmosphérique pour la distribuer dans le sol. Il imagine également
soumettre les végétaux à une « pluie électrique ». À la fin du XIXe siècle,
l'électroculture fait l'objet d'un véritable engouement, les travaux des
scientifiques étant abondamment repris dans les congrès et les publications
académiques.
On est alors persuadé que cette technique permettra de produire
des fruits géants et des fleurs en toute saison et
de détruire tous les insectes s'attaquant
aux plantes. En 2018, un comité sur l'électroculture est même fondé par le
ministère de l'Agriculture en Angleterre. Mais peu à peu, cette technique tombe
dans l'oubli, en raison notamment des résultats instables et de la faible
rentabilité économique. L'avènement des produits
phytosanitaires finira de tuer l'intérêt des agriculteurs.
Arnaud Colombier pratique l’électroculture à titre expérimental dans sa serre laboratoire à Poisieux, dans le Cher. © France 3 Centre-Val de Loire, YouTube
La Chine, largement déficitaire au niveau alimentaire, veut à tout prix accroître sa production
Avec
20 % de la population mondiale pour environ 9 % des terres cultivables
dans le monde, la Chine cherche par tous les moyens à augmenter sa production
agricole sans augmenter l'usage de pesticides, dont elle est déjà le
plus gros utilisateur mondial. Les excellents résultats des tests
encouragent le développement des fermes électrisées, dont les surfaces
connaissent une croissance « sans précédent » avec 1.000 à 1.300 hectares de
serres électrisées en plus chaque année, indique Liu Bonjang. « Nous
fournissons du matériel à plusieurs autres pays, comme les Pays-Bas, les
États-Unis, l'Australie et la Malaisie », assure le chercheur qui se
félicite que la Chine « soit en pointe dans ce domaine ».
Cette agriculture high-tech ne représente cependant qu'une infime part des
cultures en Chine, et il est totalement illusoire de penser que des milliers
d'hectares de blé pourront
un jour être cultivés sous serre. De nombreuses autres pistes pour doper les
plantes sont d'ailleurs à l'étude, comme l'édition
génétique pour améliorer la photosynthèse ou augmenter l'absorption
d'azote.
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