Montréal interdira totalement le glyphosate sur son territoire
Au
nom du « principe de précaution », la Ville de Montréal bannira le
controversé herbicide Roundup de son territoire avant la fin de l'année, a
appris Radio-Canada. L'administration de Valérie Plante espère qu'elle sera
imitée par d'autres municipalités et par le gouvernement du Québec.
Des
agriculteurs, certains clubs de golf et même le Jardin botanique devront
trouver une autre solution pour lutter contre les mauvaises herbes.
Peu
importe la raison, aucune justification ne permettra son utilisation, prévient
Laurence Lavigne-Lalonde, responsable de la transition écologique, d'Espace
pour la vie et de l'agriculture urbaine au comité exécutif de la Ville de
Montréal.
D'ici
fin de 2019, le règlement municipal sera modifié pour que l'interdiction
de l'herbicide s'étende à tout le monde, comme c'est déjà le cas pour les
néonicotinoïdes, les insecticides « tueurs d'abeilles ».
Le
glyphosate est l'ingrédient actif d'un herbicide principalement commercialisé
sous la marque Roundup. C'est le pesticide le plus utilisé au Canada et dans le
monde.
Protéger la santé des citoyens
Même
si l'île de Montréal compte peu de terres agricoles, l'administration Plante
s'inquiète de la qualité des sols ainsi que des résidus de glyphosate qui se
retrouvent dans l'alimentation ou dans les cours d'eau.
Depuis
que l'Organisation mondiale de la santé [OMS] a dit que le glyphosate est un
cancérigène probable, on n'a plus aucune raison de ne pas protéger la santé des
Montréalais et des agriculteurs qui utilisent ce produit, dit Laurence
Lavigne-Lalonde. Ce serait irresponsable de ne pas agir.
On espère que ça fera boule de neige. C'est un geste qu'on pose pour lancer un débat, créer un électrochoc dans la sphère publique.
Laurence
Lavigne-Lalonde, responsable de la transition écologique
La
Ville de Montréal s'inspire de l'Autriche et du Vietnam qui ont
interdit le glyphosate plus tôt cette année. L'Allemagne a annoncé mercredi
qu'elle fera de même à la fin de 2023.
La
France avait annoncé une interdiction pour 2021, mais elle est revenue sur
sa décision. Un conflit politique est en cours entre l'État et des maires qui
tentent de le bannir dès maintenant de leurs municipalités.
On
s'inscrit dans ce mouvement-là, explique Laurence Lavigne-Lalonde. On pense
qu'il faut pousser les gens à réfléchir à cette question et à poser des gestes
concrets.
La
Ville a envoyé une lettre aux personnes susceptibles d'utiliser du glyphosate
pour leur expliquer son intention. La Municipalité se dit prête à les
accompagner dans la transformation de leurs façons de faire. Elle aimerait que
davantage d'agriculteurs passent à une production biologique.
Le premier ministre Legault ne l'exclut pas
On
n'est pas rendu là, mais on ne l'exclut pas, a réagi le premier ministre du
Québec François Legault.
Une
telle décision est beaucoup plus difficile à prendre dans des régions fortement
agricoles qui utilisent massivement le glyphosate.
Il
y a une question de productivité, de compétitivité avec les agriculteurs de
l'autre bord de la frontière, donc ce n'est pas un sujet qui est simple, a
déclaré M. Legault.
Le principe de regarder pour avoir moins de pesticides, moins de Roundup, moins de produits dangereux, on est ouverts à ça, bien sûr.
François
Legault, premier ministre du Québec
Montréal a-t-elle le droit d'interdire le glyphosate?
Au
Québec, les municipalités ont le droit de réglementer l'utilisation de
pesticides sur leur territoire, pourvu qu'elles ne soient pas plus permissives
que la province. Elles peuvent toutefois s'exposer à des poursuites si des
agriculteurs jugent qu'ils subissent un préjudice.
Précisément, 144 municipalités(Nouvelle
fenêtre) québécoises restreignent l'usage des pesticides, mais
généralement la pratique agricole en est exemptée.
Montréal
ne pourra toutefois pas bannir la vente du produit sur les tablettes. Il sera
donc interdit de l'utiliser, mais pas de l'acheter.
L'autre
défi pour la Ville sera de faire respecter son règlement sur le terrain, les
possibilités de mobiliser des inspecteurs à cette tâche étant limitées.
Des poursuites judiciaires
Le
glyphosate est au centre d'un conflit scientifico-judiciaire avec des milliards
de dollars en jeu.
Son
fabricant Bayer [propriétaire de Monsanto] fait face à plusieurs poursuites
d'utilisateurs atteints d'un cancer, dont certains au Canada et au Québec.
L'entreprise
a même été condamnée dans des procès aux
États-Unis, mais elle fait appel.
Bayer
dément que le glyphosate soit cancérigène, mettant en avant des décennies
d'études et d'autorisations réglementaires dans différents pays qui prouvent,
selon elle, l'innocuité du Roundup pour l'humain.
En
janvier, Santé Canada a maintenu son approbation du produit.
À
partir du 23 septembre, des députés de l'Assemblée nationale du Québec
tiendront une commission parlementaire au sujet des risques des pesticides pour
la santé et l'environnement, ainsi que des solutions de rechange à ces
produits.
Des
groupes et des experts seront entendus. Mais la multinationale Bayer n'en fera
pas partie. Sa demande d'être reçue en audition n'a pas été retenue par les
députés.
A.G.M
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire