Amazonie : Texaco/Chevron pollue la forêt pendant 30 ans et refuse de payer
Le
géant pétrolier américain Chevron a remporté ce lundi 19 juin à Washington une
importante victoire judiciaire contre l'Equateur. La Cour suprême a
refusé d'examiner l'appel formé par des citoyens équatoriens qui cherchent à
obtenir l'application d'une amende record de plus de 9 milliards de dollars
pour pollution. Retour en trois actes sur l'affaire dite
"Chevron/Texaco", l'un des pires drames environnementaux de la
planète.
Acte 1 : un crime environnemental
Entre
1964 et 1992, la société américaine Texaco exploite les ressources pétrolières
du nord-est de l'Equateur,
dans la région de Lago Agrio. Pendant près de 30 ans, elle déverse alors ses
résidus toxiques directement dans la forêt amazonienne, créant des centaines de
"piscines" pestilentielles, toujours visibles aujourd'hui. Des
milliers de cas de cancers ont été recensés depuis dans la région, sans compter
les dégâts sur la biodiversité. Pour le juriste Laurent Neyret, spécialiste du
droit de l'environnement, il s'agit d'un cas emblématique d'écocide :
une atteinte grave, systématique, répétée et consciente à la nature, à la santé
humaine et plus largement à la sûreté de la planète.
"Chevron plus jamais ça", peut-on lire sur le t-shirt de Donald Moncayo, qui organise des "Toxic Tours" non loin de Lago Agrio, au nord-est de l'Equateur. - Misha Vallejo / GEO |
Acte 2 : condamnation record de Chevron par la justice équatorienne
Les
victimes de ce drame environnemental se mobilisent et décident d'attaquer la
multinationale en justice sur le sol américain, où se trouve son siège social.
Le géant Chevron (qui a racheté Texaco en 2001) obtient la délocalisation de
l'affaire en Equateur, où résident les plaignants. Il est finalement condamné
en 2011 par la cour équatorienne de la province de Sucumbios à une amende
historique de 9,5 milliards de dollars de réparations.
Acte 3 : la justice américaine refuse de faire appliquer la décision
Reste
alors à faire exécuter la condamnation. L'entreprise ne disposant pas d'avoirs
suffisants en Equateur, les plaignants saisissent un juge aux Etats-Unis pour
la faire appliquer. Là, Chevron jette l'opprobre sur la justice équatorienne,
arguant de la corruption des juges. "La compagnie américaine a obtenu une
délocalisation, il y a une condamnation, et ensuite elle profite de la
délocalisation pour bloquer la procédure", résume Laurent Neyret.
Le
19 juin 2017, la
Cour suprême des Etats-Unis a refusé d'examiner l'appel formé par les quelque
30 000 plaignants, confirmant le jugement d'une cour d'appel de New York.
Cette dernière entérinait elle-même la décision d'un juge américain, lequel
avait donné raison à la multinationale en estimant l'affaire entachée
d'irrégularités.
"C'est
une avancée importante pour mettre un terme à cette action illégale", a
réagi Chevron dans un communiqué. L'Equateur, lui, tente de minimiser la portée
de ce revers judiciaire. "La décision de la Cour suprême américaine n'a
pas d'effet hors des Etats-Unis et n'annule en rien la sentence infligée par un
tribunal équatorien qui oblige la société pétrolière à verser des
indemnisations pour les dégâts écologiques occasionnés", ont réagi les autorités judiciaires.
Une "piscine de pétrole" en mai 2016, non loin de Lago Agrio - Misha Vallejo / GEO. |
Et après ?
"Ce
sont finalement d'autres juridictions qui forceront Chevron à payer pour son
comportement criminel en Equateur", a tweeté l'un des avocats des
plaignants. Ces derniers cherchent désormais à faire appliquer la décision
ailleurs, dans des pays où le géant pétrolier détient également des actifs. La
prochaine audience devrait se tenir en octobre 2017 devant la cour d'appel de l'Ontario, la Cour suprême du Canada ayant
reconnu aux Equatoriens le droit de poursuivre la compagnie sur son sol. Des
actions ont également été engagées devant la justice argentine et brésilienne.
"En
tous les cas, cette affaire illustre l'urgence qu'il y a à organiser une
reconnaissance mutuelle des décisions de justice, en particulier dans le
domaine environnemental. Cela s'inscrit dans une approche plus large d'une
justice globale de l'environnement qui requiert une coopération renforcée des
systèmes de police et de justice pour une protection optimale de
l'environnement", conclut le juriste Laurent Neyret.
A.G.M
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