Alimentation et climat, le Giec montre les choix à faire
Nourrir correctement les milliards de Terriens ou
lutter contre le réchauffement climatique? Pour ne pas être un jour confronté à
ce dilemme, il est indispensable de repenser l'usage des terres et nos
habitudes alimentaires, avertit le Giec.
Les humains ont dégradé un quart des terres émergées
- érosion des sols, désertification, déforestation, perte de biodiversité... -
et le changement climatique accentue cette pression. Ce mélange explosif
représente une menace pour la sécurité alimentaire d'une population
grandissante, qui dépasse les 7 milliards d'individus.
Telles sont les conclusions majeures du rapport
spécial du Giec sur "le changement climatique, la désertification, la
dégradation des sols, la gestion durable des terres, la sécurité alimentaire et
les flux de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres" dévoilé
jeudi.
"La pression humaine sur les terres grandit,
les terres font partie de la solution mais ne peuvent pas tout", a résumé
Debra Roberts, co-présidente du groupe des experts climat de l'ONU, lors d'une
conférence de presse à Genève.
Le système alimentaire dans son ensemble génère
"jusqu'à un tiers de nos émissions" de gaz à effet de serre, a
souligné Eduardo Calvo Buendia, co-président du Giec.
Le temps est compté, alors que le réchauffement des
terres émergées atteint déjà 1,53°C, le double de la hausse globale (océans
compris), selon le rapport.
- Risques pour l'alimentation -
Les risques d'instabilité en termes
d'approvisionnement alimentaire pourraient être "élevés" avec un
réchauffement global de 1,5°C et "très élevés" à 2°C, a expliqué
Valérie Masson-Delmotte, co-présidente du Giec.
Il faut agir vite, insiste le Giec, qui énumère une
série de mesures applicables à court terme, adaptées aux spécificités
régionales. Des passages ont d'ailleurs été ajoutés au résumé de 65 pages pour
les décideurs politiques, adopté au terme de cinq jours de discussions entre
les 195 pays membres, pour tenir compte du problème des villes et de
l'urbanisation galopante.
La marge est étroite si l'on veut à la fois contenir
le réchauffement et ses effets dévastateurs sur les terres, et nourrir
convenablement une population qui pourrait dépasser 11 milliards d'individus à
la fin du siècle.
"Nous devons penser de manière beaucoup plus
approfondie à la façon dont nous allons utiliser chaque hectare. Les terres
doivent permettre de cultiver notre nourriture, fournir la biodiversité et
l'eau douce, donner du travail à des milliards de personnes et capturer des
milliards de tonnes de carbone", commente Piers Forster, professeur sur le
changement climatique à l'université de Leeds.
Le Giec a élaboré différents scénarios pour limiter
le réchauffement à 1,5°C ou bien en dessous de 2°C par rapport à la période
pré-industrielle. Ils incluent des mesures d'atténuation basées sur les terres
et des changements d'usage, combinant boisement, reboisement, une déforestation
réduite et des bioénergies.
- Moins de viande -
Les scénarios nécessitant d'importantes conversions
de terres (reboisement pour capturer du CO2, champs dédiés aux bioénergies...)
pour lutter contre le réchauffement pourraient avoir "des effets
secondaires indésirables": désertification, dégradation des terres,
insécurité alimentaire...
Tout est une question d'échelle. "Nous montrons
à quel point l'importance des surfaces cultivées pour produire cette biomasse
peut être une pression supplémentaire sur l'utilisation des terres", a
expliqué Valérie Masson-Delmotte.
Pour le Giec, outre les indispensables réductions de
gaz à effet de serre, des solutions existent du côté du système alimentaire et
des habitudes de consommation, car les changer ne nécessite pas de consommer
plus d'espaces.
Actuellement, de "25 à 30% de la production
totale de nourriture est gaspillée", souligne le rapport, alors qu'environ
820 millions de personnes souffrent de la faim.
Si dans les régions pauvres, l'apport en protéines
animales est parfois insuffisant, dans les pays riches, il dépasse les
recommandations nutritionnelles de l'Organisation mondiale pour la santé. Deux
milliards d'adultes sont en surpoids ou obèses et "25 à 30% de la
production totale de nourriture est gaspillée".
Le rapport souligne l'importance de réduire le
gaspillage et l'intérêt pour l'environnement et la santé de régimes moins
riches en viande. Mais "le Giec ne prescrit pas les régimes des
gens", a insisté son co-président Jim Skea.
Ce travail est le deuxième d'une série de trois
"rapports spéciaux" du Giec, après celui sur la possibilité de
contenir le réchauffement à 1,5°C, l'an dernier, et avant celui sur les océans
et la cryosphère (banquise, glaciers, calottes polaires) attendu fin septembre,
au moment où l'ONU organisera un sommet sur le climat à New York.
Source : AFP
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