Les ONG rappellent au G7 l'urgence de sauver l'océan
Une cinquantaine de collectifs d’ONG internationales
appellent les dirigeants à agir rapidement pour l’océan. Pollutions plastiques,
effondrement de la biodiversité marine, réchauffement climatique aggravent les
inégalités et mettent en péril les populations. Une coordination internationale
est indispensable pour lutter contre l’intertie et contre le lobbying, rappelle
la Surfrider Foundation Europe, à l’initiative de l’appel.
« Faire entrer l’océan dans les négociations
internationales. » Si possible avant qu’il ne soit trop tard. Et si
possible dès ce week-end à l’occasion du G7 organisé à Biarritz sous présidence
française. Voilà l’ambition de l’Ocean call, une déclaration commune
qui doit être publiée le 23 août, signée par une cinquantaine de coalitions
d’ONG européennes et internationales et portée par Surfrider Foundation Europe,
dont les locaux sont eux aussi installés à Biarritz.
La Fondation a profité de cet avantage géographique
pour organiser 4 jours de conférences et débats, conclus la veille de
l’ouverture du G7 à quelques encablures à peine des lieux où se réuniront les
dirigeants des États-Unis, du Canada, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de la
France, de l’Italie, du Japon et des États invités jusqu’au 26 août. En
espérant que cette proximité sensibilise les principaux dirigeants du monde à
l’urgence de protéger les océans.
La cause semble d’autant moins évidente que la France
a axé sa présidence du G7 sur la question des inégalités, qui devrait dominer
les débats lors du sommet. Mais puisque l’océan joue un rôle clé dans la
régulation du climat, et que celui-ci risque en se réchauffant de renforcer les
inégalités, le sujet est on ne peut plus pertinent au sein d'un sommet sur
les inégalités, selon Surfrider. « Les populations vulnérables
seront les plus atteintes par les catastrophes climatiques. Et un océan pollué,
avec moins de poissons, impacte la capacité à se nourrir des populations qui
vivent de la pêche, réduit leurs ressources commerciales liées à la pêche et au
tourisme, sans parler de la montée des eaux », résume Antidia Citores,
porte-parole de Surfrider.
Déclarations creuses
Quelques chiffres suffisent pour prendre la mesure de
l’urgence. L’océan absorbe 30 % du CO2 émis par les
activités humaines et la grande majorité de l’excédent de chaleur qui en
résulte mais pourrait arriver à saturation, accélérant d’un coup le
réchauffement de l’atmosphère. Et en contrepartie, il s’acidifie, se réchauffe
et se dilate, ce qui détruit les coraux et aggrave la crise de la
biodiversité, déjà mise à mal par la surpêche qui surexploite un tiers des stocks de poissons. Chaque année, 8 millions de tonnes de déchets plastiques finissent
en outre dans l’océan, tuant 100 000 mammifères marins et un million
d’oiseaux. Ce plastique finit par atteindre nos assiettes et l’eau que nous
consommons. Nous avalons en moyenne le poids d’une carte de crédit en plastique par semaine, avec
des risques encore mal définis pour la santé humaine.
Une partie des 8 millions de tonnes de plastiques rejetés chaque année dans l'océan. (image par adege sur Pixabay) |
Pourtant, dénoncent les ONG, les gouvernements ne
réagissent toujours pas ou si peu. Ceux du G7 pas davantage que les autres.
« Il y a des prises de parole, des déclarations, mais pas de mesures
concrètes. Il faut des mesures et des financements allouées », insiste
y Antidia Citores. Parmi les mesures réclamées par Surfrider figure celle de
porter à 30 % des eaux côtières et marines les aires marines protégées
(AMP) d’ici 2030. La France en est à 22 % et veut passer à 30 % dès
2020 a rappelé Elisabeth Borne, la ministre de l'Écologie,
de passage au Pavillon Surfrider le 22 août.
Mais le chiffre à l'échelle mondial
n'était que de 3,72 % en 2015. Et encore. « Quand on entend
“protégées”, le sens varie selon les pays. Certains autorisent l’exploitation
des poissons dans les AMP, d’autres autorisent les forages… En réalité, les
zones véritablement protégées ne recouvrent aujourd’hui que 2 % des
eaux… », estime la porte-parole de l’ONG.
« Il y a des quotas de visites pour préserver les patrimoines culturels, pourquoi pas sur les patrimoines naturels ? »
Au nombre des autres revendications de
Surfrider : la décarbonisation totale du transport maritime d’ici 2050
(qui représente 2,5 % des émissions totales et pourrait au rythme acutel
bondir à 20 % d’ici 30 ans), la régulation du tourisme de masse qui
détruit de nombreux environnements naturels (« Il y a des quotas de
visites pour préserver les patrimoines culturels, pourquoi pas sur les
patrimoines naturels ? », propose Antidia Citores), et l’adoption
d’une convention internationale sur les plastiques d’ici 2025.
L’enjeu du plastique révèle lui aussi l’engagement de
façade ou trop timoré des États sur ces questions. L’Union européenne, loin
d’être le plus mauvais élève après avoir voté l’interdiction des plastiques
jetables d’ici 2021, a ainsi décidé d’exclure les bouteilles d’eau en plastique
de cette interdiction, pourtant fléau majeur de la pollution plastique,
avec 20 000 bouteilles plastiques produites… chaque
seconde dans le monde. « Il faut changer les mentalités et les
comportements, notamment ceux de l’État. En pleine canicule, la campagne de
communication martelait le slogan “hydratez-vous !” assorti d’un logo de
bouteille en plastique », soupire Antidia Citores.
Paralysé par les lobbys
Face aux obstacles herculéens qui semblent se dresser
entre l’ONG et le sauvetage de l’océan et de l’humanité qui en dépend,
Surfrider insiste sur le besoin de parler à tout le monde. Aux États, aux
citoyens, aux consommateurs mais aussi aux entreprises. À celles qui souhaitent
réellement s’engager, « pour leur dire par exemple que miser sur le
plastique biodégradable est une fausse solution puisqu’il ne l’est pas
vraiment », ou à celles qui sont moins vertueuses. L’exemple extrême
étant celui de Tropicana, la marque appartenant à PesiCo ayant décidé en juin de remplacer tous ses emballages en
carton par des emballages en plastiques, plus vendeurs…
La priorité stratégique pour
Surfrider, pour de lever les blocages politiques, pouvoir mettre en
place des mesures fiscales incitatives et aller dans la bonne direction, c’est
d’annihiler le pouvoir de nuisance des lobbys, rôdés aux pratiques de
décrédibilisation. « Leur posture classique, depuis les cigarettiers
des années 1970, c’est de décrédibiliser les études scientifiques. Ils
dénigrent les études, pourtant indépendantes, qui montrent que les
microplastiques sont consommés par les gens et franchissent la barrière
intestinale, se retrouvant dans le système sanguin. Ça suffit à paralyser un
homme politique néophyte qui se retrouve avec deux informations
contradictoires », décrit Antidia Citores. Raison pour laquelle l’ONG
milite pour l’instauration de protocoles de recherches uniformisés à l’échelle
mondiale sur le suivi des plastiques dans les milieux.
L’autre levier, c’est de faire pression directement
sur les politiques, et le G7 constitue pour cela un bon test. Une réunion de
travail est prévue sur l’océan au cours du sommet et l’ONG
espère que la déclaration finale des dirigeants sera nourrie de l’urgence des
océans. Mais c’est surtout l’après qui est important : 4 rendez-vous
déterminants sont à l’agenda des prochains mois. En décembre, la COP25 à Santiago du Chili doit mettre l’océan à
l’ordre du jour. En juin 2020 se tiendra ensuite à Lisbonne la deuxième
Conférence internationale sur la préservation des océans. Une semaie plus
tard s’ouvrire à Marseille le Congrès mondial de la nature de l’UICN, lui aussi consacré
entre autres aux océans. Enfin, une conférence internationale sur les déchets
prévue en mars 2021 au Kénya est également cochée dans l’agenda de
Surfrider.
Autant d’occasions de vérifier la sincérité des discours
et d’exiger des mesures concrètes de la part des gouvernements. Car
l’urgence ne s’éteindra pas d’elle-même. « Le réchauffement océanique
est un indicateur très important du changement climatique, et nous avons les
preuves que ce réchauffement va plus vite que ce que nous pensions », dévoilaient encore
en janvier des chercheurs en publiant leurs travaux consacrés à la vitesse de
réchauffement des océans dans
la revue Nature. Les décideurs auront une chance de plus de prendre la
mesure du problème le 25 septembre, date annoncée de la publication du prochain rapport
spécial du GIEC, consacré aux liens entre le changement climatique, l’océan
et la cryosphère.
A.G.M
Source : usbeketrica.com
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