Fonds marins : explorer ou exploiter ?
Alors
que des scientifiques commencent à peine à percer les mystères de la faune
sous-marine, l’industrie minière s’intéresse aux gisements riches de minéraux
rares qui reposent au fond des océans. Pendant ce temps, la communauté
scientifique s’inquiète des dommages que pourrait causer l’exploitation des
gisements océaniques sur cet environnement fragile.
Dans un éditorial inédit, la revue Nature enjoint
l’Autorité internationale des fonds marins à établir
des règles pour que l’exploration et l’exploitation des gisements de
terres rares sous le plancher océanique ne se fassent pas au détriment des
écosystèmes sous-marins. Cet éditorial fait d’ailleurs écho à une lettre d’opinion publiée plus tôt cette année par
la biologiste Sonia Jind dans le journal The Narwal, un
média canadien d’enquête spécialisé en environnement, qui soutient que le
Canada est en retard en matière de protection des écosystèmes sous-marins
vulnérables à l’exploitation minière.
Des espèces uniques menacées
Il faut dire que c’est une entreprise canadienne,
Nautilus Minerals, qui a lancé le bal de l’extraction minière des fonds
océaniques avec un projet controversé d’exploitation d’un gisement
sous-marin de sulfures en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Ces sulfures, riches en
minéraux précieux, se sont formés autour des cheminées hydrothermales où vivent
de rares créatures marines comme le gastéropode écailleux (Chrysomallon squamiferum),
un escargot marin muni d’une carapace de fer que l’Union internationale
pour la conservation de la nature a classé, il y a peu de temps, comme étant
la première espèce menacée par la prospection minière
sous-marine.
D’autres projets d’exploitation dans la zone de
fracture Clarion-Clipperton (CCZ), dans le Nord-Est du Pacifique, laissent
craindre le pire pour d’autres espèces rares, relève un reportage récent paru dans Nature. « Nous estimons
qu’il y a des milliers d’espèces qui sont uniques à la CCZ », avance le
biologiste marin Craig Smith de l’Université d’Hawaii à Honolulu, qui
étudie cette zone depuis 30 ans et qui évalue qu’environ 90 % des
espèces qu’il y a découvertes étaient inconnues de la science ou n’avaient
jamais été décrites auparavant.
Bien qu’on soit encore loin de voir une exploitation
commerciale des gisements de la CCZ, les scientifiques s’inquiètent de voir
l’industrie aller de l’avant alors qu’il n’y a pas à ce jour d’études d’impacts
qui permettent d’évaluer à quel point des activités minières risquent de
perturber ces riches écosystèmes sous-marins que les scientifiques commencent
tout juste à pouvoir documenter.
Une biodiversité à découvrir
Jusqu’à tout récemment, les biologistes marins
devaient en effet se contenter d’analyser des spécimens repêchés des
profondeurs pour étudier les étranges créatures qui peuplent les fonds marins,
soulignait le New York Times dans un article paru il y a quelques jours. « Au lieu
d’examiner des poissons morts, nous faisons maintenant des études
comportementales », s’enthousiasme le biologiste Bruce H.Robinson qui
a été le premier à filmer la baudroie des abysses dans les profondeurs de la
baie de Monterey, il y a quelques années. « Il y a tout un monde océanique
là-dessous, dont la plus grande partie reste inexplorée », ajoute-t-il.
Réagissant à une nouvelle vidéo captée l’an dernier, le spécialiste de
la baudroie des abysses Ted Pietsch s’exclamait pour sa part :
« Ce sont des bêtes glorieuses, merveilleuses auxquelles nous devons nous
intéresser, et que nous devons protéger. »
A.G.M
Source :
sciencepresse.qc.ca
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