Au Brésil, la réserve Mamiraua, modèle de développement durable en Amazonie
En mêlant science et savoirs traditionnels pour
préserver la biodiversité et le mode de vie de communautés qui vivent de la
forêt amazonienne, une réserve de référence prouve qu'il est possible
d'explorer les ressources naturelles sans détruire l'environnement.
Située à 500 km à l'ouest de Manaus, la Réserve de
développement durable Mamiraua, qui s'étend sur 11.240 km2, a été créée en 1996
par l'Etat d'Amazonie.
"La forêt permet qu'on l'utilise sans affecter
son fonctionnement, ou juste un peu. Il suffit de le faire de façon efficace,
en se basant sur la science et les connaissances traditionnelles",
explique à l'AFP Emiliano Ramalho, directeur technique et scientifique de
l'Institut de développement durable Mamiraua.
L'institut gère également la réserve Amana, de
23.500 km2, créée deux ans plus tard.
Situées au coeur de l'Amazonie, qui abrite la plus
grande biodiversité de la planète, les deux réserves offrent au visiteur une
véritable symphonie de chants d'oiseaux, de toutes tailles et de toutes
couleurs.
Les cris aigus du singe guariba retentissent aussi
dès l'aube, jusqu'au coucher du soleil, quand les moustiques assoiffés de sang
font leur festin.
Dans les rivières et les lacs, les dauphins roses
nagent en groupe, sans se soucier du passage des bateaux à moteur.
Avec la chaleur étouffante, la tentation de se
rafraîchir dans l'eau est grande, mais la présence de caïmans noirs dissuade
les plus intrépides.
Ces sauriens, les plus grands des Amériques, peuvent
mesurer cinq mètres et peser une demi-tonne. Ils ont été menacés d'extinction
en 1980, chassés pour leur viande et surtout leur cuir: à l'époque, le Brésil
l'exportait en masse pour la fabrication de sacs et de chaussures.
"Le nombre de caïmans a commencé à augmenter à
nouveau à partir du moment où la chasse a été interdite et quand les réserves
ont été créées. Avant, il était rare d'en apercevoir, à présent, leur
population est abondante", explique la biologiste Barthira Resende,
responsable du projet de suivi des caïmans de l'Institut Mamirauá.
La réserve compte la plus grande concentration de
caïmans noirs de tout le Brésil et les habitants eux-mêmes prennent part au
projet.
"Nous avons mis en place un programme
participatif. Les habitants nous indiquent où se trouvent les nids de caïmans,
les lieux où ils viennent où non", explique Mme Resende, qui s'appuie
notamment sur les communautés indigènes.
- Pêche et chasse contrôlées -
Afonso Carvalho, 68 ans, de la tribu kaixana, sait à
quel point il est important de préserver la biodiversité locale.
"Les indigènes respectent l'environnement.
Notre chasse et notre pêche sont contrôlées, limitées, nous ne tuons pas
d'animaux pour rien", dit-il.
Un discours qui trouve un écho particulier au moment
où le président d'extrême droite Jair Bolsonaro laisse entendre qu'il pourrait
ouvrir certaines zones protégées à l'exploration minière ou à l'agriculure.
"Il faut changer cette conception selon
laquelle la forêt ne peut apporter des richesses que si elle est défrîchée, si
on en finit avec les réserves naturelles ou les territoires indigènes",
explique Emiliano Ramalho.
Contrairement à d'autres réserves naturelles, où
l'occupation humaine est totalement interdite, elle est tolérée dans celles de
Mamiraua et Amana, à condition que les communautés locales exploitent les
ressources naturelles selon les préceptes du développement durable.
Il existe 39 réserves de ce type au Brésil, 23 en
Amazonie.
La région de la réserve de Mamiraua a commencé à
être occupée par des non-indigènes au début du 20e siècle, à l'âge d'or du caoutchouc.
Quand ce secteur est entré en crise, dans les années
20, les populations sont restées, vivant d'agriculture, de chasse et de pêche.
- Un modèle rentable -
Aujourd'hui, 10.000 personnes vivent dans la
réserve, réparties dans 200 villages.
La plupart habitent des maisons flottantes ou sur
pilotis: le niveau de l'eau peut varier de dix mètres entre la saison sèche et
la saison des pluies, de décembre à juillet.
L'agro-écologie est de rigueur, pâturages tournants
et culture de plantes natives. Pour augmenter la valeur ajoutée des récoltes,
les habitants commercialisent la pulpe de cupuaçu et d'açai et non les fruits
bruts.
La pêche est également contrôlée, notamment celle du
pirarucu, le plus grand poisson à écailles d'eau douce du monde, qui peut peser
200 kilos.
Après avoir frôlé la disparition en raison de la
surpêche, il nage à nouveau en abondance dans les eaux de la réserve.
Toute décision sur l'exploitation des ressources de
la réserve est prise en commun entre les habitants et l'Institut, qui leur
offre également des formations.
Certains ont par exemple appris à vivre de
l'éco-tourisme.
Très prisé des touristes étrangers, l'hôtel Uakari,
fondé par l'Institut Mamiraua et installé sur une construction flottante, a
dégagé 2,5 millions de réais (550.000 euros) de chiffre d'affaire annuel en
moyenne ces trois dernières années.
Les bénéfices sont destinés à 40% à la surveillance
du site et à l'association des guides de tourisme. Le reste est réparti entre
les habitants.
© 2019 AFP
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