Au Bénin, la production de riz étuvé apporte un nouveau souffle aux communes rurales du centre
l’Agitation qui règne dans le joli bâtiment en face
de la gare d’Agouagon contraste avec le calme plat de l’édifice
ferroviaire complètement à l’abandon. Une dizaine de femmes s’active autour
d’un four artisanal, déversant du riz non décortiqué précuit dans de grandes
bassines avant de le faire sécher plusieurs jours et de l’acheminer au
centre-ville de Glazoué être décortiqué et trié. Bienvenue à la
coopérative des femmes étuveuses d’Agouagon qui tente de redonner un second
souffle à une bourgade en quête de dynamisme, à près de quatre heures de route
de Cotonou.
« Nous nous sommes installées ici dans l’espoir
que le train, point névralgique des activités agricoles du village, allait
revenir », confie Cyprienne Dossou, présidente de la coopérative, médusée par la désaffectation de la gare.
« Nous sommes 17 membres, toutes agricultrices et depuis cinq ans, nous
faisons de l’étuvage sur une parcelle commune de deux hectares, indépendamment
de nos champs personnels. Nous achetons aussi du riz paddy auprès d’autres
producteurs pour le transformer. »
« Avant, il fallait mobiliser au moins quatre femmes
pour trier manuellement un sac de 100 kg et cela prenait une journée tandis que
la trieuse que nous avons installée a un rendement de 1,4 tonne par
heure »
Bertin Adéossi
Coordonnateur du programme cadre d’appui à la
diversification agricole
Une filière très féminisée
Plus nourrissant et particulièrement prisé par la
clientèle nigériane, le riz étuvé représente une opportunité économique pour de
nombreuses femmes de la région. Dans ce département des Collines au centre du
Bénin, elles sont des centaines à s’être spécialisées dans cette technique de
transformation pour améliorer leurs revenus. Réunies au sein de l’Union des
femmes étuveuses de riz des Collines (UFER-C), elles ont bénéficié de l’appui
du Projet d’appui à la diversification agricole (PADA) et du Projet de
productivité agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO) financés par la Banque
mondiale. « Nous avons suivi une formation gratuite sur les techniques
d’étuvage du riz », explique Léontine Batcho, présidente de l’Union.
« Nous avons aussi obtenu du matériel informatique et de bureau, des
mobylettes et des tricycles pour nous aider à développer notre activité. »
À elle seule, l’UFER-C compte aujourd’hui près de 800
étuveuses réunies au sein de 67 coopératives villageoises. Une tendance qui n’est
pas près de s’inverser pour Léontine : « La main d’œuvre est en
pleine expansion, les coopératives enregistrent régulièrement de nouvelles
adhésions. » Signe que le riz étuvé monte en puissance, son taux de décorticage
au Centre de traitement et de distribution de Glazoué est passé de 10 à 35 % en
deux ans.
La mise en place, d’un système de crédit au sein de
l’Union pour aider les agricultrices à préfinancer l’achat de riz paddy (non
décortiqué) explique aussi ce succès. « L’UFER- C nous a permis de nous
organiser, de mutualiser nos efforts et de saisir les opportunités »,
souligne Odette Agossou, présidente de l’Union communale des femmes étuveuses
de riz de Glazoué et administratrice de l’UFER-C. « Aujourd’hui, l’étuvage
me donne tout, j’ai des parcelles, j’ai un moyen de déplacement et j’arrive à
subvenir aux besoins de mes enfants. »
À elle seule, l’UFER-C compte aujourd’hui près de 800 étuveuses réunies au sein de 67 coopératives villageoises. Photo : Gnona Afangbedji, Banque mondiale |
Un riz de meilleure qualité grâce à des installations plus modernes
Ce qui fait surtout la fierté des femmes étuveuses de
riz des Collines, c’est l’installation par le projet d’une trieuse optique pour
améliorer la qualité du riz. « Ça a révolutionné notre travail », insiste
Paulin Honaï, gestionnaire du Centre de traitement final et de distribution.
« La trieuse nous permet d’avoir du riz parfait, sans déchets et de
garantir la qualité de notre label sur le marché. »
Implantée au Centre de traitement final et de
distribution de Glazoué, la machine est co-gérée par l’UFER-C et l’Union des
producteurs de riz des Collines (Uniriz). La plupart du riz paddy cultivé dans
le département converge ainsi vers cette mini-usine de traitement pour être
étuvé et commercialisé sous le label Saveur des Collines.
Pour Bertin Adéossi, coordonnateur du programme cadre
d’appui à la diversification agricole (PROCAD), cette modernisation a aussi
l’avantage de remplacer l’étape pénible du tri manuel : « Avant, il
fallait mobiliser au moins quatre femmes pour trier manuellement un sac de 100
kg et cela prenait une journée tandis que la trieuse que nous avons installée
fournit un rendement de 1,4 tonne par heure, ce qui permet à l’union de
transformer près de 10 tonnes de riz par semaine », confie-t-il.
La production est en constante augmentation, elle est
passée de 32 tonnes en 2016, à 201 tonnes en 2017 et 303 tonnes en 2018 et
devrait atteindre 800 tonnes en 2019. Une performance qui se reflète sur le
chiffre d’affaires qui a augmenté de 33 millions à près de 80 millions francs
CFA entre 2017 et 2018.
Le prochain objectif du centre ? Augmenter sa capacité de décorticage qui ne couvre actuellement que 10 % du riz produit dans les Collines. Photo : Gnona Afangbedji, Banque mondiale |
Le prochain objectif du centre ? Augmenter sa
capacité de décorticage qui ne couvre actuellement que 10 % du riz produit dans
les Collines. « Malgré la présence de la trieuse optique, nous avons des
difficultés avec notre production depuis la fermeture de la rizerie publique de
Glazoué », déplore Faustin Assomavè, président de l’Union régionale des
riziculteurs des Collines (UNIRIZ). « Aujourd’hui, beaucoup de producteurs
et aussi des femmes étuveuses sont obligés de brader leur riz paddy ou leur riz
étuvé aux commerçants nigérians. »
Mis en œuvre dans quatre pays d’Afrique de l’Ouest
(Bénin, Guinée, Niger et Togo), le PPAAO vise à générer et accélérer l'adoption
de technologies améliorées dans des filières agricoles. Au Bénin, le PPAAO a
bénéficié d’un financement de 20 millions de dollars de l’Association
internationale de développement. En juillet 2019 quelque 753 387 producteurs
dont 40 % de femmes avaient bénéficié d’un soutien direct du projet.
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