Les grands requins blancs ont disparu d'une célèbre baie au large du Cap
Cette
année, les scientifiques n'ont réussi à observer aucun grand requin blanc dans
une baie située au large du Cap en Afrique du Sud. Une zone où les squales
étaient pourtant nombreux auparavant. Pour le moment, les causes de cette
disparition restent floues.
Au
large du Cap, dans la baie False, les eaux restent désespérément calmes depuis
plus d'un an. Malgré des mois d'observation, pas un seul aileron de grand
requin blanc n'est apparu à la surface des eaux sud-africaines. Et
cette disparition ne manque pas d'intriguer, ni d'inquiéter les spécialistes du
programme Shark Spotting.
Entre
2010 et 2016, l'équipe enregistrait une moyenne de 205 observations de grand
requin blanc (Carcharodon carcharias) au large des plages de la
baie False, selon Bloomberg. A partir de 2015, ce nombre a toutefois
drastiquement chuté pour tomber à seulement 50 observations en 2018. Et le
déclin s'est confirmé cette année durant laquelle aucun squale n'a pu être
observé dans cette zone, même entre les mois de janvier et avril qui
constituent habituellement un pic de leur présence.
Depuis
le début du programme de surveillance en 2004, les requins s'étaient déjà
absentés pendant plusieurs semaines voire mois. Mais c'est la première fois en
seize ans d'observations qu'ils disparaissent aussi longtemps. "Une
preuve supplémentaire de l'absence de ces grands prédateurs est le manque de
traces de nourrissage ou de morsure sur les carcasses de baleines que la ville
a retirées de la baie False cette année", a relevé dans un communiqué
la municipalité du Cap.
"Un rôle incroyablement important"
Cette
disparition est d'autant plus surprenante que les côtes de la ville
sud-africaine constituent l'une des régions les plus connues pour
observer le
grand requin blanc. Le prédateur y est notamment attiré par la grande
concentration d'otaries à fourrure, l'un de ses mets préférés, à Seal Island
située au nord de la baie False. Mais ces dernières années, les attaques de
requins sur les otaries se sont elles aussi raréfiées.
"Bien
sûr que je suis inquiète. Les grands requins blancs jouent un rôle
incroyablement important dans la baie False", a expliqué à Science Mag, Tamlyn Engelbrecht, responsable
du programme Shark Spotters. On ignore pour le moment les conséquences que
cette disparition pourrait avoir sur l'écosystème mais les requins constituant
des prédateurs clés, elle pourrait grandement affecter l'équilibre de ce dernier.
Si
l'absence de squales au large des plages de la baie du Cap peut rassurer les
baigneurs, elle représente un coup dur pour le tourisme local qui a développé
de nombreuses activités autour de leur observation, telles que les plongées en
cage. Certains opérateurs ont ainsi confirmé n'avoir pas réussi à observer de
requins depuis des mois.
Chassé par des orques ? Ou d'autres requins ?
Pour
le moment, l'origine du phénomène reste floue mais plusieurs hypothèses ont été
évoquées. L'une d'elles avance que les grands requins blancs pourraient avoir
été chassés par des prédateurs encore plus redoutables : des
orques. Depuis quelques années, un nouveau groupe est en effet arrivé dans
la baie sud-africaine et il a affiché un goût tout particulier pour les
requins.
Plusieurs
squales ont été retrouvés morts sur les côtes sud-africaines, sévèrement
attaqués et le foie manquant. Les observations suggèrent que deux orques,
prénommées Starboard et Port, auraient tué les requins pour se nourrir de leur
organe, particulièrement nutritif, laissant le reste de leur carcasse intacte.
En s'attaquant aux prédateurs, les cétacés pourraient ainsi les avoir incités à
fuir.
"L'arrivée
d'un écotype spécifique d'orques s'attaquant aux requins semble avoir eu un
effet significatif sur la distribution des grands requins blancs dans notre
zone", explique le programme Shark Spotters sur Facebook. Néanmoins, ce
n'est pas la seule théorie avancée pour expliquer la disparition progressive de
l'espèce dans la baie False.
Les
scientifiques ont constaté que le déclin des grands requins blancs avaient coïncidé avec l'apparition d'une autre espèce qui
n'avait pas été observée à cet endroit depuis longtemps : le requin plat-nez
ou Notorynchus cepedianus. Au fur et à mesure que les premiers
ont disparu, les seconds sont devenus de plus en plus nombreux.
Inversement,
quand les premiers sont momentanément réapparus, les seconds sont redevenus
plus rares. Des observations qui suggèrent que les deux phénomènes seraient
liés, ce qui ne serait pas totalement étonnant pour les spécialistes puisqu'ils
classent le requin plat-nez - dont la taille peut dépasser les trois mètres -
au même rang que le grand requin blanc sur la chaine alimentaire.
En
l'absence de C. carcharias, les chercheurs ont ainsi
observé N. cepedianus s'attaquer aux otaries de Seal Island.
Toutefois, là encore, le phénomène est loin de résoudre totalement le mystère
et certains scientifiques appellent à ne pas négliger des facteurs
environnementaux comme la surpêche ou la pollution qui pourrait avoir joué un
rôle dans la disparition des squales.
"Mon
inquiétude est que la focalisation sur les orques distraie l'attention sur
d'autres problèmes que les humains pourraient résoudre", a précisé
à Science Mag, Sara Andreotti, biologiste marin à l'Université Stellenbosch
d'Afrique du Sud. Un changement dans la distribution des proies pourrait
également avoir poussé les grands requins blancs à aller voir ailleurs.
En
leur absence, l'équipe de Shark Spotters a réduit ses activités sur certaines
plages de la baie mais poursuit sa surveillance sur les plus populaires. Il
n'est pas exclu que les grands blancs refassent leur apparition. Dans le cas
contraire, la baie False pourrait fournir une opportunité inédite d'étudier
l'évolution d'un écosystème après la disparition d'un grand prédateur.
A.G.M
Source :
geo.fr
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