Incendies en Amazonie: Bolsonaro sous pression internationale
Rio de Janeiro (AFP)
Les feux de forêt qui se propagent rapidement en
Amazonie ont des répercussions internationales, l'ONU et le président français
interpellant vivement le président brésilien Jair Bolsonaro tandis que se
multiplient les appels à sauver le "poumon de la planète".
M. Bolsonaro, un climato-sceptique, a accusé jeudi
Emmanuel Macron d'avoir "une mentalité colonialiste", après que ce
dernier a donné rendez-vous aux membres du G7 pour "parler de
l'urgence" des feux en Amazonie à Biarritz ce week-end.
Dans deux tweets successifs, M. Bolsonaro a accusé M.
Macron d'"instrumentaliser une question intérieure au Brésil et aux autres
pays amazoniens" avec "un ton sensationnaliste qui ne contribue en
rien à régler le problème".
"Le gouvernement brésilien reste ouvert au dialogue,
sur la base de faits objectifs et du respect mutuel", a écrit le président
d'extrême droite. "La suggestion du président français selon laquelle les
affaires amazoniennes soient discutées au (sommet du) G7 sans la participation
de la région évoque une mentalité colonialiste dépassée au 21e siècle".
POOL/AFP/Jacques Witt |
M. Bolsonaro a participé à une réunion de crise en
soirée à Brasilia. En matinée, il avait lancé une nouvelle charge contre les
défenseurs de l'environnement, qui ont appelé à des manifestations vendredi dans
le monde.
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a
déclenché la salve d'appels à sauver l'Amazonie en se disant sur Twitter
"profondément préoccupé" par les incendies sévissant dans la plus
vaste forêt tropicale du monde, dont 60% se trouvent en territoire brésilien.
"En pleine crise climatique mondiale, nous ne
pouvons accepter davantage de dégâts sur une source majeure d'oxygène et de
biodiversité", a écrit Antonio Guterres, réclamant que l'Amazonie soit
"protégée".
- "Notre maison brûle" -
Peu après, c'est le président français qui exprimait
son inquiétude, lui aussi avec un tweet, malencontreusement illustré d'une
image prise par un photographe décédé en 2003, comme beaucoup d'autres tweets.
NASA Earth Observatory/AFP/Lauren Dauphin |
"Notre maison brûle. Littéralement. L'Amazonie, le
poumon de notre planète qui produit 20% de notre oxygène, est en feu. C'est une
crise internationale. Membres du G7, rendez-vous dans deux jours pour parler de
cette urgence".
Les appels pour l'Amazonie se sont également élevés du
milieu sportif, avec Cristiano Ronaldo, qui a posté sur Twitter une photo de
2013 prise dans un Etat non amazonien, selon les fact-checkers de l'AFP. Et du
show business, notamment la chanteuse américaine Madonna, qui a publié sur
Instagram une photo de 1989, légendée: "Président Bolsonaro s'il vous
plaît modifiez votre politique. Nous devons nous REVEILLER".
Des manifestations étaient prévues pour l'Amazonie
vendredi, à Sao Paulo et Rio. Le mouvement de la jeune Suédoise Greta Thunberg,
égérie de la lutte contre le réchauffement climatique, "Fridays for
Future", a appellé à manifester devant les ambassades et consulats du
Brésil à travers le monde.
Si l'avancée des feux dans la plus vaste forêt
tropicale de la planète était très difficile à évaluer, l'Institut national de
recherche spatiale (INPE) a fait état de près de 2.500 nouveaux départs de feu
en l'espace de 48 heures dans l'ensemble du Brésil. La déforestation, qui
avance rapidement, est la principale cause des départs de feu.
D'après l'INPE, 75.336 feux de forêt ont été enregistrés
dans le pays de janvier jusqu'au 21 août -- soit 84% de plus que sur la même
période de l'an dernier -- et plus de 52% concernent l'Amazonie.
Face à cette "tragédie", le président
équatorien Lenin Moreno a proposé à son homologue brésilien l'envoi de trois
brigades de pompiers spécialisés dans les incendies de forêt.
- "Psychose environnementale" -
Tandis que la presse brésilienne commençait à
rapporter des problèmes respiratoires dans certaines villes, les feux affectant
l'Amazonie sont restés jeudi au Brésil la première tendance sur Twitter, avec
en illustration son inévitable lot de photos ou vidéos n'ayant aucun rapport
avec "le poumon de la planète".
Sous les mots-clés #Nasa et #AmazoniasSemONGs
(Amazonie sans ONG), des internautes assuraient que des photos-satellite de
l'agence américaine provenaient en fait de Bolivie ou soutenaient la charge
anti-ONG du président.
Au coeur de la tempête après ses déclarations
polémiques de la veille, Jair Bolsonaro a enfoncé le clou au sujet des
"incendies criminels". Il a expliqué qu'il pourrait tout aussi bien
accuser "les indigènes, les Martiens ou les grands propriétaires terriens".
"Mais les plus forts soupçons pèsent sur les
ONG", a-t-il dit.
Mercredi Jair Bolsonaro avait déjà montré du doigt les
ONG de défense de l'environnement.
"Les ONG perdent de l'argent, qui venait de la
Norvège et de l'Allemagne. Elles n'ont plus d'emplois, elles essaient de me
renverser", a-t-il assuré jeudi, en référence à la suspension par ces deux
pays de leurs subventions au Fonds Amazonie affecté à la préservation de
l'immense forêt tropicale.
Il a exprimé toutefois sa préoccupation pour les
retombées économiques.
"Si le monde entier commence à dresser des
barrières commerciales (contre le Brésil) notre agro-négoce va chuter, l'économie
va reculer (...). "Cette psychose environnementale nous empêche
d'agir", a-t-il dit.
Des représentants du puissant agro-négoce se sont
aussi inquiétés de possibles appels à des boycottages de produits brésiliens.
Dans une tribune, 118 ONG se sont élevées contre
"l'irresponsabilité" présidentielle.
"Bolsonaro n'a pas besoin des ONG pour cramer
l'image du Brésil dans le monde entier", lit-on dans ce texte, qui dénonce
un président "qui manipule l'opinion publique contre le travail réalisé
par la société civile, avec des allégations irresponsables et
inconséquentes".
A.G.M
© 2019 AFP
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire